Le maître du Haut Château (DICK)
Auteur : Philip K. DICK
J'ai Lu — 2013
336 pages
7€60
- Résumé -
1948, fin de la Seconde Guerre mondiale et capitulation des Alliés. Vingt ans plus tard. dans les Etats-Pacifiques d'Amérique sous domination nippone, la vie a repris son cours. L'occupant a apporté avec lui sa philosophie et son art de vivre. A San Francisco, le Yi King, ou Livre des mutations, est devenu un guide spirituel pour de nombreux Américains, tel Robert Chidan, ce petit négociant en objets de collection made in USA.
Certains Japonais, comme M. Tagomi, dénichent chez lui d'authentiques merveilles. D'ailleurs, que pourrait-il offrir à M. Baynes, venu spécialement de Suède pour conclure un contrat commercial avec lui ? Seul le Yi King le sait. Tandis qu'un autre livre, qu'on s'échange sous le manteau, fait également beaucoup parler de lui : Le poids de la sauterelle raconte un monde où les Alliés. en 1945, auraient gagné la Seconde Guerre mondiale...
Certains Japonais, comme M. Tagomi, dénichent chez lui d'authentiques merveilles. D'ailleurs, que pourrait-il offrir à M. Baynes, venu spécialement de Suède pour conclure un contrat commercial avec lui ? Seul le Yi King le sait. Tandis qu'un autre livre, qu'on s'échange sous le manteau, fait également beaucoup parler de lui : Le poids de la sauterelle raconte un monde où les Alliés. en 1945, auraient gagné la Seconde Guerre mondiale...
- Mon avis -
J'avais plusieurs raisons de tenter cette aventure, l'uchronie (réécriture de l'Histoire), classique de la Science-Fiction, livre qui s'est vu adapter en série (Amazon Prime) qui me tente énormément... Bref, j'avais super envie de le lire et peur de m'y plonger aussi à cause des notes et des commentaires que je pouvais lire dessus. J'ai bien fait de passer outre ces derniers, parce que j'ai passé un très bon moment avec.
Alors, oui. Si tu attends des explosions, des dramas de fous furieux avec des cascades à la Avengers, des révoltes au son du tambourin, de la tension lors de phases d'infiltrations, des grosses sueurs et des horreurs sans noms... passe ta route. Vraiment. Ce livre n'est pas là pour te dire que les nazis c'est pas cool (franchement, si tu n'en étais pas convaincu plus tôt, tu as un soucis psychologique grave). Ce livre est là pour te narrer, te conter comment l'ordre établi, poursuis pépère sa route.
Tu as réellement cru que le monde acceptait la victoire d'Hitler et des japonais durant 39-45 ? Oui et non. Ce roman nous présente plusieurs personnages qui ont leurs vies, leurs histoires, leurs valeurs. Le livre s'attache à nous les présenter, à voir leur quotidien dans les années 60-70. Mais s'il n'y a pas de résistance active et de péripéties digne d'un film hollywoodien, le roman n'est pas non plus aussi plat qu'une feuille de papier. C'est un roman qui est atypique, il a des particularités qui m'ont clairement charmée. Je vais essayer d'être la plus claire précise.
L'histoire nous montre un antiquaire américain, un artisan juif, un haut fonctionnaire japonais, un agent du contre-espionnage allemand, une femme en road-trip avec un italien bien bizarre... Une galerie de personnages qui survit dans cette Amérique scindée en trois morceaux. La côte est sous l'influence et domination allemande ; la côte ouest est aux japonais, le centre reste un lieu neutre. Tous évoluent dans un quotidien revu et corrigé par les nazis et les japonais, tous vont nous présenter leurs vies. C'est assez contemplatif et introspectif, chacun va nous parler de ses états d'âme, ce qui va et ne va pas dans cette situation, leurs peurs, leur questionnement vis-à-vis du nazisme, de la haine.
C'est très philosophique en somme, chaque rencontre va bouleverser ou non cet ordre intérieur, mais jamais l'ordre extérieur des choses. C'est fascinant de voir la rébellion s'implanter doucement, de voir les personnages évoluer lentement. L'intrigue m'a subjuguée pour tous ces aspects philosophiques (le double, l'équilibre, l'humanité, le faux, le réel...), pour toutes ces notions d'Oracle à tirer - on sent toute l'influence japonaise d'ailleurs dans cet art divinatoire. De plus, la plume de Philip K. Dick est fluide, soignée et précise ; je dirais qu'elle a un charme atypique et c'est expliqué dans les notes qui accompagnent ma version. L'écriture possède une certaine forme d'inspiration asiatique, d'où l'effet méditatif, concis et presque poétique du style ou du travail sur les personnages (mais j'y reviendrais plus tard).
L'uchronie est un genre de la science-fiction qui consiste à changer un instant T de notre Histoire pour en créer une nouvelle. La passionnée d'Histoire que je suis ne pouvais pas tourner le dos à cette histoire. Surtout que l'auteur ne nous parle pas de ce changement ni du renversement du nazisme, mais bien de la période entre les deux : celui où cet ordre est devenu simple, banal, quotidien, normal. Cela nous révolte, on aurait bien envie de réveiller ces personnes, mais cela ne va pas de paire avec l'atmosphère choisie. C'est un parti pris de l'auteur qui ne ravira pas tout le monde, j'ai mis du temps à le comprendre et à l'accepter. Surtout que l'ambiance est calme, peu nerveuse - sauf rares rebondissements ou instant de tensions qui, eux, donnent beaucoup de stress. L'ambiance est dénué d'humour, le monde ne s'y prête pas et c'est l'un des facteurs qui me font dire que les personnages subissent cet Ordre, survivent comme ils peuvent. Ils font avec, mais leurs pensées espèrent secrètement une nouvelle donne. Cette contradiction m'a touchée.
Autre chose qui m'a embarquée, c'est le Poids de la Sauterelle, un roman dans ce roman qui décrit un monde où les Alliés auraient gagné la guerre en 45. C'est là tout le génie du livre, narrer un autre monde, le nôtre, comme une version utopique ou imaginaire. C'est aussi triste que touchant je trouve. Ce livre (Le poids de la Sauterelle) sert souvent aux personnages de base pour se questionner, presque autant que Le livre des mutations (oracle). Il est à l'initiative de débat sur l'humanité, la haine, la guerre, le bien et le mal. J'ai adoré la quête de Juliana a ce sujet, son voyage m'a séduite et la fin m'a passionnée.
Les personnages sont très intéressants, sans même se rencontrer (ou peu), il existe tout de même des connexions entre certains. C'est une construction atypique qui m'a décontenancée et qui pourtant, n'est pas déplaisante ou absurde. Juliana est l'un de mes chouchous, parce qu'elle se retrouve dans une histoire palpitante et que son voyage m'a intriguée jusqu'au bout. Son ex-mari, Frank Frink, juif, présente lui aussi une chouette histoire, de bonnes idées, de bons sujets sur lesquels réfléchir. Nous avons M. Tagomi, mon autre coup de coeur, par sa belle évolution, ses réflexions très poussées sur ce qui l'entoure et ses visions très juste. Robert Chidan a été plus complexe, mais son histoire est captivante, son évolution est la plus frappante. Chacun d'entre eux a son rôle, une place à prendre, des sujets à aborder, une histoire qui ne sera pas toujours haletante, mais qui saura piquer notre curiosité. C'est tout l'enjeu de ce roman, jusqu'où l'acceptation de la situation est-elle valable ? Jusqu'où les personnages iront avant de basculer dans la résistance intellectuelle ? Parce qu'au fond, tout le monde ne peux pas être un résistant physique et qu'avant de s'engager physiquement, il faut déjà le mental.
En conclusion, chaque personnage, chaque sujet, chaque chapitre mériterai une analyse plus poussée. Je trouve ce roman vraiment curieux, étonnant dans sa construction, dans sa forme ; audacieux dans ses choix ; percutant dans ce qu'il ne dit pas, ce qu'il ne montre pas, mais laisse suggérer. L'histoire peut paraître simple, peu haletante, sans réel rythme, trop ancrée dans le quotidien pour vivre des péripéties passionnantes, mais là n'est pas son but. J'ai apprécié cette lenteur, ce calme, cet ordre qui joue sur un équilibre instable, tout se joue sur le mental, dans les pensées des personnages. Les petits actes et propos rebelles sont subtiles et d'autant plus plaisant. L'aspect méditatif, introspection m'a séduite du début à la fin, le style est très agréable à lire, j'en ressors très contente et j'espère découvrir d'autres uchronies, d'autres classiques de SF et d'autres romans de Philip K. Dick.
Même si je sais que le style d'écriture de ce roman n'est pas le style habituel de l'auteur.
Et autre aparté savoureuse, San Fransokyo, la ville des nouveaux héros (Big Heroes 6) de Disney serait inventée à partir de ce roman. Pour rappel, les japonais héritent de la partie ouest des Etats-Unis (dont San Francisco).
10 comments
J'ai déjà entendu parler de ce roman mais, pour ne pas mentir, il ne me tente pas vraiment (pas trop mon genre de lecture :-/
RépondreSupprimerMalgré tout, le fait qu'il est inspiré San Fransokyo m'intrigue beaucoup car Big Heroes 6 est un de mes films préférés ^^
Je peux comprendre, et si un jour, tu changes d'avis, j'espère que tu passeras un bon moment à le découvrir :) Les Nouveaux Héros est très chouette film Disney, je confirme !
SupprimerJ'avais vu le premier épisode de la série mais je n'avais pas trop accrochée, je crois que le côté "plombant" et défaitiste de l'histoire m'avait découragée. Mais autant je n'aime pas trop en série ou en film, autant ça me convient mieux en livre ! Donc je lui donnerai peut être une chance ! Tu en parles trop bien pour ne pas être un peu curieuse ^^
RépondreSupprimerJ'ai hâte de pouvoir découvrir la série et de m'en faire mon propre avis :) J'espère que je ne serais pas gênée par ce que tu décris ^^ Je te souhaite une bonne découverte si tu te lances !
SupprimerJe n'ai jamais lu d'uchronie alors du coup, je suis curieuse d'en découvrir une :)
RépondreSupprimerJe te souhaite une excellente expérience avec cette uchronie ou une autre :)
SupprimerC'est un classique que j'aimerai vraiment lire un jour !
RépondreSupprimerIl faudrait aussi que je tente la série un de ces quatre...
Bonne lecture et bonne découverte avec la série :)
SupprimerMalheureusement, ce n'est pas une lecture pour moi mais je te remercie pour ton avis éclairant =)
RépondreSupprimerJe te comprends ^^ J'espère qu'une autre de mes lectures te tentera plus ;)
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