AVIS EXPRESS #019 - La duperie de Guenièvre (WHITE), Les soeurs Hiver (BERTRAND et GION), L'estrange malaventure de Mirella (VESCO)

by - 18.2.24




La duperie de Guenièvre de Kiersten WHITE
Tome 1 de la saga L’Ascension de Camelot
Éditions De Saxus – 2021 – 407 pages – 17 €90
Fantasy | Young Adult | Légende Arthurienne | Magie | Intrigue de cour et complot | Romance
Avertissement : [violence, mort animale, meurtre, viol, sexisme, misogynie, descriptions explicites de blessures, automutilation (magique)]



La princesse Guenièvre arrive à Camelot pour épouser le charismatique Roi Arthur, mais elle n’est pas celle qu’elle prétend être. Son vrai nom et sa véritable identité sont un secret. La magie a été interdite dans le royaume et le sorcier Merlin qui en a été banni a trouvé un moyen de protéger le roi : faire de Guenièvre sa femme… et sa protectrice contre ceux qui veulent voir la ville du jeune souverain tomber. Pour sauver la vie d’Arthur, sa nouvelle épouse va devoir naviguer dans une cour où les anciennes valeurs qui s’opposent au changement côtoient de nouvelles voix qui se battent pour un monde meilleur. Mais au cœur de la forêt et dans les sombres profondeurs des lacs, la plus terrible des menaces attend pour récupérer ce qui lui est dû… Les chevaliers d’Arthur croient qu’ils sont assez forts pour faire face à n’importe quel danger, mais Guenièvre sait qu’il faudra bien plus que des épées pour garder Camelot libre. Des joutes meurtrières aux trahisons et aux romances interdites, La duperie de Guenièvre propose une lecture inédite et fascinante de la plus grande des légendes. Le combat entre la magie et le fer, le bien et le mal. Une œuvre forte, novatrice et indispensable.



Bien qu’étant très fan des légendes arthuriennes, j’étais curieuse et je redoutais cette lecture en même temps. J’étais au courant des nombreux problèmes de l’édition française, pourtant j’avais très envie de découvrir cette relecture parce que le résumé me vendait du rêve. En fait, le résumé est génial, la couverture est sublime.

À ces deux points positifs, je me dois d’ajouter l’intelligence de la réécriture. Tout ce qui touche au mythe arthurien étendu avec la légende de Tristan et Iseult est parfait. J’ai adoré la manière dont la magie est présentée, la façon dont est amenée la Reine Noire dont l’identité était une réelle surprise même si tout était logique. J’ai adoré Camelot, Lancelot était incroyable, je pourrais passer de longues minutes à égrener chaque élément que j’ai trouvé pertinent, incroyable, bien revisité.

Et c’est d’autant plus frustrant que rien ne va. L’univers et la relecture du mythe était extraordinaire. Tout s’arrête ici. Les personnages, a l’exception de Mordred, Brangien et Lancelot sont fades, creux et mous du genou. J’aurais pu adhérer à ce côté très mélancolique, mais c’est devenu au fil des pages un effet très soporifique. Guenièvre est plate, j’avance de deux pas, je recule de trois, je tourne en rond, je me pose un trilliard de questions, j’avance de deux pas… J’ai très vite été agacée par le personnage principal.

Les romances me font l’effet d’une fan-fiction. On sent le triangle (peut-être même plus) amoureux se dessiner à des kilomètres sans que cela soit mordant, j’aurais aimé les romances interdites promises du résumé (et les joutes meurtrières), là c’est triste et à peine esquissé. Le système de magie est sympathique, mais il manque d’explications, Arthur est supposé être en danger et Guenièvre être discrète avec sa magie sous peine de mourir, pourtant je n’ai ressenti aucune tension, aucun drame, rien qui maintienne mon attention éveillée.

C’est donc ainsi que j’ai passé les 300 pages du roman, avec des éléments pas ou peu intéressants, un côté flou, morne et mollasson qui ne sera pas rattrapé par les 100 dernières pages magistrales pourtant. Parce que la fin envoie du lourd, les actions et les révélations sont chouettes, les personnages gagnent en intérêt, les dernières lignes donnent envie de savoir ce qui se passe par la suite.

Mais le mal est fait. Je ne lirais pas la suite, et les avis sur les tomes 2 et 3 m’ont convaincu que c’était la bonne décision. Surtout que le texte – je ne sais pas si cela vient du style de l’autrice ou de la traduction, mais le texte ne rend pas la lecture agréable. Impression d’être traduit avec Google traduction, plein de coquilles et de mots manquants, j’ai dû relire des passages et des phrases plusieurs fois. Ce fut une très mauvaise expérience de lecture.



Les sœurs Hiver de Jolan C. BERTRAND et illustré par Tristan GION
Éditions L’école des loisirs – 2022 – 228 pages – 12 €
Hiver | Famille | Récit initiatique | Mythologie nordique | Magie
Avertissement : [aborde des questions autour de la santé mentale]
Radar à diversité : [aborde la thématique de la transidentité]



Il y a très longtemps, il y avait deux hivers : la Grande, avec ses froids polaires et ses blizzards, et la Petite, avec ses glissades joyeuses et ses batailles de boules de neige. Mais depuis que la Petite a disparu, tout est détraqué au village de Brume ! Les adultes sont inquiets, plus personne ne rit aux bonnes farces d’Alfred et, surtout, les trolls passent leur temps à voler des objets, qu’ils emportent à tout jamais dans la taïga. Lorsque l’oncle d’Alfred se porte volontaire pour rapporter les objets volés et qu’il disparait sous ses yeux, avalé par la tempête, c’en est trop : il faut partir à sa recherche, coûte que coûte, braver les dangers de la forêt boréale, et affronter la Grande Hiver…



Je suis contente d’avoir pu emprunter ce roman, parce qu’il me faisait de l’œil depuis sa sortie grâce à son résumé très vendeur et aux illustrations de Tristan Gion dont j’adore le travail. Si le récit n’est pas un coup de cœur à proprement parlé, il n’empêche que j’ai apprécié bon nombre d’éléments abordés dans ce texte et que c’est un très chouette roman jeunesse.

Je vais commencer par ce qui m’a dérangé, la plume de l’auteur. C’est assez extraordinaire, en dépit de toute l’élégance, de toute la justesse et de toute la subtilité employée pour évoquer certaines thématiques, le style m’a posé problème. Dans un récit contemporain et réaliste, le présent ne me dérange pas, mais dans un univers de fantasy, dans un récit initiatique évoquant un conte avec des emprunts à la mythologie nordique, là ça coince énormément. Et j’ai trouvé les phrases trop courtes, malgré le charme, malgré la poésie qui s’en dégage, j’ai trouvé que ma lecture était hachurée.

Mais j’insiste là-dessus, la plume de l’auteur est très jolie pour décrire les lieux et les personnages, pour traiter des émotions et pour aborder des thèmes qu’il n’est pas toujours aisé d’aborder en jeunesse comme la santé mentale, la transidentité. C’est tout de même une belle histoire d’amour, d’amitié et de famille, un beau récit de voyage et de quête avec beaucoup de recherches pour nous plonger au cœur des coutumes nordiques, du peuple sami en laponie, de la mythologie nordique.

L’ambiance est parfaite, c’est un roman qui respire l’hiver, le froid mordant, la fête de yüle, avec de la magie, des trolls très attachants et facétieux, une renarde envoûtante, des paysages splendides, des personnages sympathiques à rencontrer, en particulier le personnage principal, Alfred, qui est aussi courageux qu’il peut être grognon, aussi rusé que malicieux. Je l’ai beaucoup aimé, comme j’ai eu beaucoup de compassion pour les deux sœurs Hiver et pour leur relation, leur histoire. L’intrigue est agréable à suivre, simple et efficace, rebondissements et révélations sont bien équilibrées pour en faire un chouette roman d’aventure.

Enfin, les illustrations qu’elles soient à l’intérieur du livre ou sur la couverture, elles sont splendides. Elles accompagnement à merveille le texte de l’auteur, renforce l’atmosphère hivernale, permettant de se plonger dans le monde d’Alfred, la culture nordique et d’apprécier les personnages à travers des design soignés. Donc si vous avez envie de perdre au cœur de l’Hiver et si vous avez des enfants entre 8 et 12 ans ou si vous-même avez envie de passer quelques heures avec ce livre, ce roman sera idéal pour les soirées hivernales.



L’estrange malaventure de Mirella de Flore VESCO
Éditions L’Ecole des Loisirs (Médium +) – 2019 – 223 pages – 15 €50
Littérature jeunesse | Réécriture de conte | Fantastique | Époque médiévale
Avertissement : [présence de la peste et de la lèpre, scènes de violences verbales et d’agressions sexuelles, fanatisme religieux, misogynie]



Moyen Âge. Les rats ont envahi la paisible bourgade d’Hamelin. Vous croyez connaître cette histoire par cœur ? Vous savez qu’un joueur de flûte va arriver, noyer les rats en musique, puis les enfants d’Hamelin ? Oubliez ces sornettes : la véritable histoire est bien pire, et c’est grâce à Mirella, une jeune fille de 15 ans, qu’on l’a enfin compris. Jusqu’ici, elle passait inaperçue en ville – qui s’intéresserait à une porteuse d’eau, à une crève-la-faim, une enfant trouvée ? Seulement voilà, Mirella a un don ignoré de tous : elle voit ce que personne d’autre ne voit. Par exemple, elle a bien repéré ce beau jeune homme en noir, qui murmure à l’oreille de ceux qui vont mourir de la peste… Et ça lui donne une sacrée longueur d’avance. Y compris sur le plus célèbre dératiseur de tous les temps.



Depuis ma découverte du tout premier roman de l’autrice, De cape et de mots, j’avais méga envie de lire les autres livres de Flore Vesco (j’ai entre temps pu lire son romand d’aventure jeunesse sur Eiffel). J’étais impatiente de lire celui-ci parce qu’il s’agit de la réécriture d’un de mes contes préférés, le joueur de flûte de Hamelin. J’en ressors mi-figue mi-raisin, je dois bien l’admettre, cela ne remettra pour autant en cause mon envie de lire à nouveau des récits de l’autrice.

J’ai trouvé que le récit mettait bien trop de temps à s’installer, mon attention s’éteignait petit à petit, jusqu’à l’intervention du fantastique, du petit truc qui opère une bascule sur des éléments qui donnent au récit un côté plus pétillant, audacieux. Le début a été un brin confus, j’ai mis du temps à me plonger dans le récit, pour une chose qui est à la fois géniale et compliquée.

En effet, la plume de l’autrice est magnifique, parce qu’elle a fait un travail incroyable sur les expressions anciennes, sur l’adaptation de son vocabulaire et de son écriture pour lui donner cet aspect faux « ancien français ». Le revers de ce travail qui me fascine complètement, c’est que j’ai eu énormément de mal à trouver un sens aux mots lus, à retrouver le mot d’origine parfois. Et si cette forme d’écriture ne m’avait pas posé problème sur De cape et de mots, c’est qu’il devait plus léger.

Léger, c’est également ce qui m’aura manqué dans ce récit. Là aussi, j’ai autant aimé que détesté cette ambiance lourde, pesante et oppressante à base de fanatisme religieux et de misogynie, l’implication de la mort et de la peste, l’exploitation des enfants, tout le système présenté est pourri, beaucoup de personnages sont aussi terrifiants que mauvais. C’est poisseux comme atmosphère et par moment, j’aurais aimé un peu plus de légèreté, un petit peu d’espoir et d’humour, chaque chapitre allait plus loin dans ce côté dérangeant.

Certes, c’est magnifiquement travaillé, l’effet escompté est présent, parce que de cette ambiance, se dégage des thématiques intéressantes, des questionnements pertinents. J’ai aimé ce travail sur l’acceptation des lépreux – groupe de personnages dont je suis absolument fan (comme de leur reine), sur les conditions des enfants et des femmes, sur la liberté et les choix, c’était passionnant à découvrir au fil du récit.

J’ai beaucoup aimé Mirella, c’est une héroïne qui m’a fascinée pour son envie de rester invisible, mais qui par de petits actes parvient à changer certaines choses, à bousculer certains codes, à sauver des vies. C’était une évolution palpitante et la suivre fut un régal. Elle est débrouillarde et curieuse, j’aime sa relation amicale avec Pan, j’adore son côté perspicace et j’ai tellement aimé ses chansons. J’ai bien aimé certains personnages secondaires comme Peest, Gastun ou encore Pan.

En somme, j’ai été intriguée par cette réécriture du Joueur de flûte de Hamelin, je la trouve fascinante et bien faite. Je retrouve les grandes lignes avec plaisir et je suis très contente d’avoir été plus d’une fois surprise par la direction des événements. L’autrice a été audacieuse, le final était passionnant et j’ai adoré comprendre la vérité. L’autrice lui a aussi donné du corps, des détails, un décor travaillé, une couleur, même si je ne ressors pas convaincue par le résultat sur toute la ligne, j’ai apprécié cette revisite et son audace.


Crédits images :
Livraddict * Flaticon * Canva * Unsplash

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6 comments

  1. Moi aussi j'avais été déçue par La duperie de Guenièvre ! Aujourdh'ui je n'ai plus aucun souvenir du récit c'est dire qu'il m'a marquée... d'ailleurs, je pense revendre mon exemplaire, je n'y suis pas du tout attachée.
    J'aimerais bien lire d'autres titres de Flore Vesco depuis que j'ai adoré De cape et de mots !

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    1. D'or et d'oreillers me tente énormément, c'est une réécriture de la Princesse au petit pois. J'espère que tu passeras un bon moment avec L'estrange malaventure de Mirella ou tout autre roman de Flore Vesco. Ah, je te comprends pour la Duperie de Guenièvre. Je dois terminer mon tri et voir si je peux revendre certains livres, il est dedans ^^

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  2. Dommage que les points positifs n'arrivent pas à rattraper les négatifs pour La duperie de Guenièvre :/
    J'avais beaucoup aimé Les sœurs Hiver à sa sortie et c'est un roman jeunesse que je compte bien relire un de ces jours. Contente que tu aies aimé, malgré un léger bémol sur l'écriture.
    Même chose pour L’estrange malaventure de Mirella, d'ailleurs. Même si tu n'es pas à 100% convaincue, je vois que tu y a trouvé de très bonnes choses quand même :)

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    1. L’estrange malaventure de Mirella est vraiment excellent, j'ai juste eu un souci avec l'ambiance très lourde et le vocabulaire médiéval qui m'a un brin perdu. Les soeurs Hiver a une très belle ambiance et de beaux messages, j'ai bien aimé cette découverte.

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  3. C'est vrai qu'elle est chouette la couverture de La duperie de Guenièvre, dommage que le récit ne soit pas à la hauteur. Tu auras essayé 😉

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    1. Mais oui, la couverture est superbe en plus, même celles des autres tomes sont chouettes. C'est dommage, même si je suis contente que la trilogie marche sur d'autres lecteurs et lectrices.

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